DÉCEMBRE
DEUX très beaux traits. Sur fond blanc. Bien nets. Bien parallèles.
C’est la troisième fois que je les vois. La première fois c’était il y a 4 ans, on a sauté de joie, c’était dingue. La seconde fois c’était fin août, tu te souviens, un truc surprise, pas tout à fait prévu. Et tu sais comment ça s’est fini. Ce matin je suis là, avec ce bâton dans les mains. Je le fixe depuis peut-être 1h. Rien ne sort. Je repense à la première fois, à cette joie ravageuse et spontanée. En comparaison, là niveau extériorisation j’ai l’impression d’avoir testé le PH de notre piscine et de regarder le résultat (ne ris pas, je te vois hein). Bye bye l’insouciance. A l’intérieur c’est une tempête blanche. Un chaos muet. Je suis fascinée et terrorisée par ces deux traits bordeaux. Les questions défilent comme dans un film muet : On y croit ? On y croit pas ? Et si ça tient pas ? Et si ça tient et qu’en fait on avait fait une connerie ? Comment on va faire à 4 ? Et notre fils nous en voulait ? Et si notre couple ne tenait pas ? On a été égoïstes ? Non ? Si. Non ?
Ok, donc je suis terrifiée à l’idée que cette fois ça tienne et terrifiée à l’idée que ça ne tienne pas. Super. (oui j’ai toujours été légèrement schizophrène dans les moments de stress, j’espère que ça te dérange pas). Mon insouciance me manque. Je pense au faux départ de cet été, je pense à mon fils, à mon couple, à l’organisation à venir, aux passages obligés, aux risques, aux futures 3 premières années… Bien-sûr que c’était voulu, bien-sûr que le cœur dit oui. Mais la tête, aaaah la tête… elle SAIT.
JANVIER
DEUX oeufs. A la base il y en avait deux.
Tu aurais vu ma tête quand la gynéco m’a donné l’info au milieu du reste, en mode « oh tiens, il pleut ». « Pardon ??! » ai-je rétorqué avec le maximum de retenue possible et en m’agrippant à la table. « Oui oui mais ne vous inquiétez pas il y en a qu’un au final qui s’est développé, ça arrive souvent ! » A partir de ce jour-là j’ai décidé de croire à nouveau en Dieu, de tenir un autel à l’effigie de ma gynéco dans le salon et de PLUS JAMAIS faire de blague à mes copines enceintes « Ahaha *tchin* t’imagines y en a deux !!! Lol !! » Plus. Jamais.
FÉVRIER
DEUX grossesses. Comment te dire.
Mon premier trimestre s’est résumé aux habitudes suivantes : je vomissais vers 6h30, je mangeais pour dix le reste de la journée et le soir j’étais épuisée, grippée, lessivée. (oui parce que sache petite primipare qu’être enceinte du deuxième ça veut dire aussi continuer de gérer le premier, fatiguée ou pas, adieu l’autocentrage sur ton nombril comme pour la première grossesse !) Une fois passée cette période un peu pourrie, le seconde trimestre a pointé le bout de son nez avec la vitalité qui va bien. On va pas se mentir : je revis !
Mais pour tout le reste cette grossesse est tellement duelle… J’oscille entre certitudes et angoisses, sérénité et doutes. Comment peut-on être aussi changeante ? Comment peut-on être à la fois calme et inquiète, détachée et préoccupée ? Le quotidien, le travail, les activités et l’enfant premier font qu’il m’est actuellement impossible de réfléchir trop longtemps à la grossesse en cours ou de tergiverser sur la suite. Mais les quelques fenêtres de réflexion diurnes et les baies vitrées nocturnes laissent entrer de jolies angoisses : la grossesse va-t-elle bien se dérouler ? (mon cauchemar ? être alitée à l’hôpital, loin de mon fils) la pré-éclampsie va elle se reproduire ? va-t-on survivre au retour des nuits sans sommeil ? va-t-on survivre tout court ? et l’organisation avec deux enfants, sans famille autour, on en parle ?
Et puis malgré tout, au fond, il y a la certitude (ou l’inconscience) : celle qui te fait dire avec une sérénité et une détermination insoupçonnée : » On a bien fait, ça va être merveilleux, on va être encore plus heureux, et notre fils aussi, et tout va bien se passer, oui oui oui. Et je suis fière de nous, pour tout ça. Pour ces 8 années d’amour, pour notre premier enfant, et pour le second, pour s’aimer assez au point d’avoir osé sauter le pas, pour s’être fait confiance. »
MARS
DEUX enfants. Vraiment.
Je suis à presque 4 mois de grossesse. Numéro Deux devrait arriver en août… On a passé la première écho et le DPNI (le test sanguin non remboursé à 390 dollars) avec succès, nous attendons donc la seconde écho avec beaucoup d’impatience pour ma part : celle de l’émotion, celle du garçon/fille, celle du (j’espère) « tout va bien, tout se déroule normalement ». Alors je commence à y croire, à me dire qu’on est plutôt bien partis pour les avoir ces deux enfants tant réfléchis.
Pour l’instant, à ma grande surprise, notre fils trouve ça plutôt chouette du haut de ses presque-4-ans. Il commençait justement à nous dire qu’être seul des fois c’est pas rigolo. Nous ne lui en parlons pas particulièrement mais sommes très attentifs et très à l’écoute de ses questions et réflexions à ce sujet. Et on coupe immédiatement l’entourage qui tenterait un truc du genre « oh tu vas être grand frère ? il va falloir bien t’occuper de ton petit frère ou de ta petite soeur / donner l’exemple / être sage / le surveiller… » Non non. Notre fils n’aura aucun devoir, aucune responsabilité qu’il ne devrait pas avoir. Il fera ce qu’il veut vis à vis de Numéro Deux. Et personne durant les prochains mois n’aura le droit de lui mettre une quelconque pression sur ses frêles épaules, même bienveillante. Et en plus, avec ce positionnement à la cool, à ce jour il est plutôt emballé, voire excité. A suivre. J’espère tellement qu’il ne souffrira pas de ce chamboulement dans la famille.
Voilà où nous en sommes aujourd’hui. J’appréhende, je mesure le risque, et je suis à la fois très heureuse de l’arrivée d’un deuxième enfant dans notre foyer. Pas une seconde je n’ai regretté. J’ai juste… un peu peur des fois 🙂
« C’est impossible, dit la fierté ; C’est risqué, dit l’expérience ; C’est sans issue, dit la raison ; Essayons, murmure le coeur » William Arthur Ward
#laféesarronditencore
2 Comments
C’est fou ce que tu arrives à décrire ce que certaines femmes peuvent ressentir!
Je suis encore dans la réflexion ici, les questions ne cessent de tourner dans ma petite tête….
J’ai redigé deux ou trois autres articles ensuite qui expliquent ce qui a suivi, n’hésite pas a me contacter sur Insta si tu as des questions ou si tu veux juste en discuter 😉