« Et toi tu t’en es sortie comment de ces 3 ans ? »
Je sais pas toi mais cette question revient souvent dans nos conversations de « copines qui savent », aka de mamans qui savent ce qu’on est toutes en train de traverser.
Y’a 3 sortes de mères : celles qui s’en sont sorties nickel (religion, déni, drogue, miracle…), celles qui triment comme elles peuvent (coucooooou !) et les meilleures mères de toutes, évidemment : celles qui ne le sont pas encore.
Après ces 3 ans d’épopée parentale, je pense que tu sais où je me situe hein. Néanmoins durant cette folie, j’ai pu compter sur quelques « sœurs d’armes ». Elles sont pas nombreuses les copines avec qui tu peux parler sans filtre. Parler à vif, livrer ses angoisses brutes, partager les ravages, rire du pire et du meilleur, ouvrir ses entrailles et son cœur. On avait des enfants du même âge et naturellement on a vécu les mêmes soucis, les mêmes doutes, les mêmes souffrances, les mêmes bonheurs. Je te raconte pas comment ça nous a soudées.
Des fois, nous entendons les pas-encore-mamans planifier, assurer, affirmer, assener… et on sourit. Parce qu’on SAIT. On sait que non, en fait au final ils vont pas être si raccord que ça avec son mec sur l’éducation, qu’il y a 85% de chance que passées les première semaines, son mec n’entende plus l’héritier(e) pleurer la nuit, que si si finalement son fils lui tapera bien une crise à Carrefour devant tout le monde, que c’est pas si aisé de leur faire du fait-maison-équilibré-bio-et-compagnie, que non l’éducation bienveillante ne la préservera pas d’un bon pétage de plomb en règle et qu’après ces journées de dingue, le boulot et quelques prises de becs, sa vie intime prendra un coup (ah…?) dans l’aile (oh.) qu’elle le veuille ou non.
Et tiens d’ailleurs… et le couple dans tout ça ? Ah ah…
Comment on a réussi à passer cette période ? Je sais pas… je sais même pas si on en est complètement sortis au moment où je te parle. Mais comme ça je donnerais un tiercé comme : une jauge d’amour assez remplie pour résister au tsunami, une bonne dose d’humour, de clairvoyance et de remise en question, et toujours la même question qui te remet en place après chaque engueulade « Ok t’es gavée mais serais-tu plus heureuse SANS LUI ? Non. Alors tu y retournes et vous remontez le bordel. » (ça et le fait que c’est lui qui fait à bouffer à la maison… donc faut quand-même que je fasse gaffe…)
La première année de l’enfant nouveau, globalement t’es heureuse mais crevée. Lui aussi. Et tu découvres les angoisses de jeunes parents (une belle palanquée je te l’accorde), les frustrations de la nouvelle vie, les prises de tête dues à la fatigue et à la limite quelques classiques à base de « non cette fois c’est toi qui prend le congé enfant malade, la dernière fois c’était moi » et de « mais tu me laisses encore seule avec le petit ce soir ? » (rhoo le cliché) ou encore « je te rappelle qu’on a pas baisé depuis des semaines hein » (je ris…). Mais avec le recul, même si on a pris cher (je t’ai parlé de la crise des 9 mois où on se levait entre 2 et 10 fois par nuit ?) c’est plutôt easy si tant est que t’es assez amoureux pour tenir la barre et passer la tempête… nous c’est après que ça s’est corsé.
Arrivant à l’orée des 2 ans de l’enfant unique, on a senti le vent tourner et le couple tanguer. Nous avons eu un méga combo : crise des 2 ans (pseudo-affirmation du moi, gosse intenable, colères et autres hurlements démoniaques… tu l’as ?), divergences d’opinions absolues dans la façon traiter de cette crise et un deuil (l’homme a perdu sa maman). Comment te dire… On a cru crever. Nous qui nous croyions au dessus du lot on s’est rendus compte que face à la difficulté dans l’éducation de notre fils nos éducations respectives très différentes rendaient tout consensus quasi impossible. Je misais sur l’écoute, l’éducation positive, la bienveillance, les câlins (tout en pétant donc un câble régulièrement, bien-sûûûr) et lui misait sur plus de rigueur et d’autorité. Bonjour les clichéééés dans lesquels on était tombés !! Moralité dès qu’il tentait de lever la voix sur notre fils j’avais envie de l’assommer avec une poêle et j’accourais pour consoler la pauvre petite chose. Et lui ne supportait pas mon omniprésence, mes remarques et ma fusion en mode maman louve avec l’enfant. Lilalilalou. Ajoutez à ça une humeur changeante et une patience masculine réduite à néant durant ses longs mois de deuil… et vous obtiendrez la pire année de notre vie ! (tu m’étonnes qu’on était pas partis pour le deuxième)
Et la troisième année alors ? Bah je dirais que tu panses les plaies de la deuxième. Tu tentes de gérer les rechutes. Tu sais que le pire est passé mais que t’es pas sorti du merdier pour autant. Tu fais le point, tu tentes de reprendre un rythme, de retrouver une certaine harmonie. L’enfant est plus grand mais tu sais que ça ne sera plus jamais pareil. Fini le couple d’avant, en mode sans enfant, serein, fou fou, insouciant et soudé par la facilité. Tu es désormais soudé par l’épreuve de ces trois années et par l’amour profond qui a surpassé tout ça.
Les trois premières années sont un raz-de-marée. Une transformation. Tu découvres l’amour absolu et viscéral, le bonheur indéfinissable, la fatigue extrême, les frustrations en rafale, l’absence de temps pour toi et pour ton couple, les serrages de ceinture, l’angoisse permanente mais une fois sorti de ça… comment dire… tu as conscience. Conscience de ce qu’il s’est passé. Conscience des failles de l’autre comme des tiennes. Conscience de la densité de ton couple. Conscience que les choses ont changé. Et que la suite est à construire.
Et finalement tu réalises que ton homme est aussi devenu ton « frère d’armes ». Il a servi avec toi. Il a morflé avec toi. Vous êtes maintenant prêts pour la prochaine mission. Enfin presque…!!
Et chez vous, c’était comment ? Quelle a été la plus grosse difficulté ? Et surtout comment avez-vous réussi à gérer ? Si vous avez des conseils à donner c’est le moment de les partager !
Ps : clairement entre nous la plus belle preuve d’amour c’est pas le mariage, hein, c’est de rester amoureux et unis après avoir fait des enfants, les gars. Sans aucun doute. Bisous.
#lafée3ansaprès
13 Comments
Bravo pour ce brillant et juste résumé la Fée !!
Chez nous, c’était peu ou prou la même chose : la deuxième année du schtroumpf, nous avons vécu les mêmes combats et les mêmes purs moments de bonheur.
A la différence que je suis mère au foyer et que chéri travaille. Alors, vous voyez bien qu’on est toutes pareilles :). Ce n’est pas parce qu’on est mère au foyer qu’on a plus de temps, qu’on est plus reposée.. parce que quand le bout’d’chou n’est pas décidé, j’ai autant envie de fiche le camp loin loin loin que les autres mamans.
Le couple prend cher aussi : je suis très fusionnelle avec le schtroumpf et chéri à moins de place (j’ai aussi eu envie de l’assommer avec une poêle ou autre chose) alors je travailles à ça pour la troisième année…
Notre merveille a 2ans et 10 mois et on cherche encore un équilibre entre lui, papa, moi et nous-couple et nous-famille. malgré tout, on est heureux car on s’aime tous suffisamment pour que ça avance. Et tu as raison la fée : c’est ça la clé !
Bises !
Alors là ma chère… tu prêches une convaincue : je ne serai jamais capable d’être mère au foyer. Au final il y aura un meurtre, soit mon fils me tuerait, soit je le tuerais, soit je tuerais mon mari 😂. Bravo, sincèrement pour ce travail à temps plein, vraiment. Chapeau !! Aimez-vous et bon courage pour la suite (les progrès a réaliser et les prochaines aventures à vivre). Bises !!
C’est vraiment une description super juste pleine de tripes! C’est bien ce que j’ai vécu!
Simplement, pour agrémenter cette 2e année, nous avons eu une 2e naissance. Je n’ai pas vécu la crise des 9 mois que tu décris. J’ai subi cela en continu. La première a arrêté de se réveiller 2 à 10 fois par nuit quelques semaines avant de l’arrivée de la 2e. La 2e se réveille encore régulièrement et elle a 3 ans. Pendant 5 ans, 4 nuits sur 5 étaient interrompues aux moins une fois et 1 nuit sur 2 il fallait se lever plus de 2 fois.
Un petit enfant, c’est très difficile. 2 ça l’est plus et on n’essayera pas d’aller plus loin pour vérifier si le 3e est plus simple… La famille, les grands parents, les amis, c’est très important dans ces moments là. On a besoin d’être soutenu, d’être entouré, d’être soulagé de temps en temps pour décompresser… On n’avait rien de tout ça!
Un petit enfant, c’est très difficile. 2 ça l’est plus. Pour agrémenter tout ça, on a construit durant la grossesse du 2e. Dans le moment que tu décris si bien, nous avions en plus un nouveau né et une maison qui a fini de se construire aux 2 ans et demi de notre premier enfant. Il existe sans doute une multitude de blog similaire qui décrit les phases extrêmes par lesquelles on passe lorsqu’on construit, qu’on n’y connait rien, que chaque artisan bâcle son travail mais te demande des dizaines de milliers d’euro, qu’on n’a confiance en personne, que le budget n’est pas illimité et que tous les jours on nous demande de payer d’autres imprévus… Je ne m’attarderai pas sur la construction. C’est très difficile. J’ai beaucoup du m’absenter pendant cette année de construction. J’étais bien conscient que gérer les 2 petits étaient difficile, mais finir la construction au plus vite était indispensable pour payer le moins d’argent possible. C’est un projet qui nous tenait vraiment à coeur tous les 2 (avant).
D’un coup, tu as tout pour être heureux: une femme, une maison, 2 beaux enfants. Mais ta femme ne te parle plus, elle te fuit, elle s’énerve pour rien. Je me suis donné tant de mal pour offrir un nid douillet à ma famille, mais elle dit ouvertement qu’elle s’en fout de la maison.
1 an et demi plus tard, tu comprends enfin pourquoi ta femme s’est transformée en glaçon: pendant que tu trimes avec ton enfant dans la 2e année comme tu le décris, pendant que ta femme allaite encore son 2e enfant, pendant que tu trimes entre boulot, construction, et enfants en bas âge, madame est tombée amoureuse d’un autre, 3 mois après la naissance de la 2e! Personnellement, je ne sais pas comment on peut-être disponible psychiquement dans de tels moments pour tomber amoureux!
Oui ta description est parfaite! Le couple prend une grosse claque avec les enfants. Mais gérer cela en tombant amoureux d’un mino qui en a rien a fouttre en plus et plonger en dépression à cause de cela alors que tu as 2 tout petits enfants et que tu construis, je comprendrai jamais!
Oui, je partage tout à fait ta description, c’est une belle preuve d’amour que de surmonté les épreuves! Mon couple est mort.
J’ai lu ton message ce matin au réveil. Je l’ai relu 3 fois. C’est si rare d’avoir le témoignage d’un homme. Et c’est tellement précieux. Merci pour ce récit, si juste et si équilibré face à la catastrophe.
Je comprends tellement cette période terrible de privation de sommeil et d’épuisement sans fin, seuls, sans soutien autour. Les nuits hachées, découpées, les tensions, l’impression de devenir fou. Ça détruit tout. Même les meilleurs couples, les plus soudés, peuvent craquer. Et si tu rajoutes une construction à porter à bout de bras… mon dieu. J’ai parfois l’impression que dans certains cas le couple n’y est presque pour rien, il a simplement trop subi pour de simples êtres humains. Tomber amoureux d’un autre à ce moment, c’est presque de la facilité pour le minot : il suffit d’arriver, de sourire, d’écouter attentivement, de compatir, d’apporter ce qui manque (attention, douceur, bienveillance), et c’est gagné. Elle avait tellement besoin d’une épaule, d’une bulle de soutien, de séduction. Il est tombé à pic. Elle était certainement beaucoup plus amoureuse de ce qu’il lui apportait que de lui même tu sais. Je ne sais pas où vous en êtes, si c’est bel et bien fini, si tu as pardonné, je ne sais pas. Mais je vous comprends, je te soutiens et j’espère qu’elle se remettra vite car ses enfants ont besoin d’elle.
Le minot n’en avait rien à faire d’elle. Elle s’est obstinée, il l’a rejeté, ce qui l’a profondément déprimé. Obnibulée par cet amour impossible, elle n’avait plus d’énergie pour s’occuper de ses enfants (encore moins de moi forcément…). Etre abandonné psychiquement par son conjoint dans un tel moment, non je ne peux pas le pardonner, il n’y aura jamais de retour en arrière possible. Nous cohabitons d’une façon indescriptible en attendant avec impatience et angoisse, les beaux jours pour vendre la maison et enfin se séparer physiquement. En 4 mois, j’ai du lui dire 10 phrases. Au milieu de ces 2 êtres qui sont devenus des inconnus, il y a 2 petits enfants. Se séparer, ce sera le bonheur d’enfin respirer! ne plus l’insulter mentalement à chaque fois que je la croise! ne plus vivre dans cette ambiance toxiquissime! Se séparer, c’est vivre la déchirure de voir beaucoup moins souvent LE « truc » qui fait effectivement tant galérer, mais qui est devenu central et une vrai raison de vivre: tes enfants.
Bon, j’arrête les posts glauques!
Je te souhaite beaucoup de courage et d’amour, pour ton enfant et pour ton homme!
Quelle tristesse putain. Surs de vouloir attendre les beaux jours ?? Bravo pour ton courage et ta patience. J’ai pas les mots. C’est un cauchemar. Et effectivement ne pense qu’aux petits… J’espère que tu pourras faire la garder alternée pour les avoir une semaine sur deux. Mais encore une fois je tenterais bien une vente avant les beaux jours… Et Noel qui arrive… j’aimerais pourvoir t’aider. Et j’espère que les petits ne souffrent pas.
Je suis tombée sur ton billet par hasard et je me suis pris une grosse claque…
Petit point particulier bébé miracle est arrivé et sa soeur est partie… en même temps. Au tsunami s’est ajouté le deuil et d’autres soucis de santé et de sommeil pour mon loulou. La première année… un enfer. Ma 2e année on a commencé à sortir la tête de l’eau. Enfin je pensais. Le couple n’aura pas survécu.
La 3e année. Je commence à profiter vraiment de mon amour mais seule. Je crois que j’espérais vivre la 3e année que tu as décrite:)
Bon je venais pas la pour chouiner mais juste dire que ton billet m’avait touchée.
Je suis touchée, si touchée par tes mots. Vous n’etes pas seuls. Peu de couples survivraient à de telles épreuves. Parfois c’est la vie qui vous fait vivre trop d’épreuves pour de simples êtres humains… Je vais sincèrement beaucoup penser à toi ce soir. Et j’espere que ça va aller, mais genre vraiment. Que tu vas aller mieux, que le poids sur la poitrine va partir et que bout de chou va grandir avec beaucoup d’amour, de rires et de bienveillance. Et que toi aussi tu vas être heureuse. Ça n’enlevera pas le passé, les départs et les épreuves. Mais l’amour et la joie sont indispensable pour être heureux. Je t’embrasse fort et donne moi des nouvelles s’il te plaît.
Merci pour ta réponse <3
On se reconstruit. Différemment de ce que je pensais et les épreuves s'enchaînent. Parfois je me dis oui, que chacun a des limites à ce que nous pouvons supporter. Nous n'avions juste pas la même.
Ta réponse me touche vraiment. Vraiment beaucoup.
Belle découverte que ce blog et ravie de te connaitre.
[…] mon couple, à l’organisation à venir, aux passages obligés, aux risques, aux futures « 3 premières années« … Bien-sûr que c’était voulu, bien-sûr que le cœur dit oui. Mais la tête, aaaah […]
Je découvre reelement votre blog et les larmes me montent. Cesarienne en urgence pr moi aussi, decès du papa de mon conjoint la 1er annee de naissance de ma fille. Je me retrouve mot pr mot en vous. Je ne vais pas raconter ma vie mais bref Merci de ne pas etre parfaite comme moi, de dire les choses vraiment!!!!
Merci pour votre message Émilie… ça me touche énormément. Effectivement nous avons l’air d’avoir plusieurs points communs importants ! Je vous souhaite en tout cas une belle suite à tout ça, sincèrement.
[…] pas seuls, que d’autres partageaient les mêmes doutes. Les articles sur la césarienne et les trois premières années de l’enfant vécues par le couple ont été… libératoires, vraiment. Et celui qui […]