Je ne pensais même pas qu’il y répondrait. Et voilà qu’il me tend une clé usb l’autre soir avec le sourire du bon élève un peu fiérot : « Tiens, j’ai fait mes devoirs ! » Mais oui dis-donc, c’est vrai qu’il y a plusieurs semaines je lui avais donné une liste de questions que les lectrices m’avaient posées pour lui. Sans trop y croire, mais cet exercice me plaisait. Je trouvais ça rigolo, j’avais envie de (le) tester, qu’il se prête au jeu… Et il l’a fait, bordel !! Alors voilà, je te livre ça : un bout de mon mec, un bout de nous du coup. C’est un peu brouillon mais ça fait son charme, hein.
Comment as-tu vécu la première grossesse de la Fée ?
C’était un melting pot de sentiments : de la joie, des inquiétudes, des fou-rires, du stress… tout se mélangeait au fil des mois, voire même sur une même journée ! Mais dans l’ensemble je l’ai plutôt très bien vécue. Il y a plein de nouvelles choses qui t’arrivent pendant ces neuf mois là, c’est un nouveau monde qui, peu de temps avant, te semblait tout droit sorti d’un Spielberg : voir le corps de ta femme changer, et ses humeurs aussi… devoir choisir un prénom, les échographies, toute la logistique à préparer… bref pas le temps de s’ennuyer.
Tu te souviens de l’accouchement ?
Comme si c’était hier : son appel pour aller à la mater (elle était à 8 mois de grossesse, je faisais du wake sur un lac, et la sage-femme à domicile venait de déceler les premiers signes de pré-éclampsie), l’annonce de la césarienne pour le lendemain, le départ pour le bloc, l’attente seul dans la chambre le temps qu’ils préparent l’intervention, commencer à lire un livre pour patienter et pas trop stresser mais devoir arrêter au bout de quelques pages parce que dans l’histoire une femme enceinte venait de se faire poignarder, faire un remake d’Urgences avec la tenue pour le bloc, le premier arrêt cardiaque quand l’infirmière vient me chercher, le deuxième quand tu vois ta femme allongée les bras en croix avec ce grand champ et tout ce monde autour, se taper la honte pendant la césa en entendant le bruit d’aspiration et en prenant ça pour le premier cri de mon fils… Et puis la rencontre avec ce petit être ! Oh oui je m’en souviens bien !!!
A quel moment tu t’es vraiment senti papa ?
A deux moment… La première réside déjà dans le fait de VOULOIR un enfant, tu te dis dans ta tête « je veux devenir père » et tu t’y prépares. A un moment tu ressens le besoin de te concentrer sur autre chose que sur toi. Le besoin de partager, transmettre, aimer d’une autre façon. C’est le mélange de tous ces sentiments qui te font te dire « je suis prêt ». La seconde c’est évidemment quand tu le tiens pour la première fois dans tes bras… là tu te dis « ca y est, je suis père ».
C’est quoi le plus dur dans cette aventure du premier enfant ?
Beaucoup de choses… mais si il y en a une qui doit avoir la première place ça serait le manque de sommeil, c’est une torture, ça joue sur tout, ton humeur, ta patience, ta tête qui prend 10 ans de plus. Ya le stress aussi, le stress de « est-ce qu’il mange assez ?, « est-ce qu’il respire ? » « est-ce qu’on fait bien ? » etc. Les personnes qui disent que tout est merveilleux et que c’est du bonheur H24, j’aimerais bien les rencontrer car je crois que j’ai dû rater des épisodes… A mon sens, SI c’est dur, NON c’est pas tous les jours merveilleux, par contre oui c’est une aventure géniale et extraordinaire, avec ses hauts et ses bas . Et il suffit d’un sourire, d’un rire pour tout oublier.
Pourquoi en avoir voulu un deuxième ?
Parce qu’on a 3 chambres dans la maison, 4 places dans la voiture, donc une place était libre 🙂 Non plus sérieusement, on en a beaucoup parlé, on a très longtemps pesé le pour et le contre… Mais ce qui est sûr, c’est que si nous ne l’avions pas fait, à long terme il nous aurait manqué quelque chose.
Et justement, des différences entre le premier et le deuxième enfant ?
Le premier c’est la découverte. Le second c’est… de l’organisation 🙂 Le premier, on construit la famille autour de lui, le second se greffe à l’existant et apporte sa touche à ce cocktail. Mais aucune différence au niveau des sentiments.
Comment as-tu vécu l’épisode du retour aux urgences de la Fée après le deuxième accouchement ?
On a pas le temps de réfléchir, on passe en mode machine de guerre et on agit. C’est presque l’instinct animal qui prend le dessus sur le côté humain, le seul objectif c’est les enfants. Je me faisais plus de soucis pour ma femme que pour moi qui m’occupait des petits. La petite avait 7 jours, était à la base allaitée et se retrouvait là séparée de sa maman, moi j’avais peur pour elle… compliqué, mais dans notre malheur heureusement que c’est arrivé après le deuxième (on a plus d’expérience pour pouvoir gérer une situation aussi extrême) sinon on m’aurait retrouvé en PLS dans un coin de la maison.
Un garçon puis une fille… des différences ?
Non car pour l’instant c’est plutôt « un garçon » et « un bébé ». La différence réside plutôt dans le rapport premier/second. Pour le premier on stresse plus, on s’inquiète plus, on est dans la découverte, dans l’apprentissage de la parentalité. Pour le second tout est plus simple, on est plus serein, on gère mieux les nuits difficiles, les maladies… On est moins pris au dépourvu, bref on a l’expérience.
La différence fille/garçon, je pense qu’elle viendra dans quelques années, je n’ose même pas imaginer l’adolescence par exemple… Mais sinon je ne vois aucune différence, je les aime autant l’un que l’autre, ils auront le même mode d’éducation, je leur enseignerai les mêmes valeurs… tout pareil !
Quel type de père es-tu ?
Plutôt fun, cool, drôle, jamais à cours d’idée pour s’amuser, créatif mais aussi un peu autoritaire et à cheval sur les principes. Un papa gâteau qui se régale à faire découvrir et transmettre de nouvelles choses. Après faut demander à la Fée…
Quel type de mère est-elle ?
Attentionnée, bienveillante, elle comble mes faiblesses, pense à tout… Mais elle n’a aucune logique et elle est un peu trop « éducation positive » à mon sens (et pour être sympa je ne parlerai pas de ses talents de cuisinière…). Elle a ce côté « j’anticipe et je gère à la perfection avec les enfants » qui me fascine et me rassure. Si ça tenait qu’à moi, à chaque départ on oublierait très clairement les ¾ des choses.
De quoi es-tu le plus fier ?
Ma vie, mes origines, mon expérience, ça fait un peu cliché mais dans l’idée c’est ça. De belle aventures, de belles rencontres, UNE belle rencontre en particulier : notre histoire, nos voyages, notre complicité, notre cocon où l’on se sent bien. Et mes enfants, on a quand-même eu le « choix du roi » comme on dit 🙂
As-tu des angoisses et des peurs en tant que père dont tu ne parles pas forcément ?
Bien-sûr, déjà en tant qu’homme et encore plus en tant que père, certaines arrivent et d’autres disparaissent. Ca commence au tout début avec la peur que les accouchements ne se passent pas comme prévu, qu’il y ait des complications… Puis la peur constante de les perdre, la peur de ne pas savoir gérer cette paternité, de ne pas être à la hauteur, d’être dépassé par tout ça. Peur aussi que mon travail prenne trop de place et me fasse passer à côté de bons moments avec mes enfants. Peur de l’avenir pour mes enfants car on vit dans un monde de plus en plus WTF !!!
Tu ne regrettes pas les soirées sans enfants et les bonnes cuites sans l’angoisse du lendemain ?
Les grosses cuites, non pas spécialement, parce qu’avec l’âge de tout façon les lendemains sont de plus en plus compliqués (#gueuledebois)… En revanche les soirées resto & ciné ou simplement à chiller… OUI ! Mais honnêtement ce qui me manque le plus c’est du temps pour faire du sport : prendre le temps sur le terrain, prendre le temps de boire un coup après le match, etc. sans avoir à regarder sa montre et à rentrer vite à la maison pour prendre le relai avec les petits.
La répartition et l’équilibre des rôles entre la Fée et toi se sont-ils faits facilement ?
A la perfection ! Je prépare les repas, et elle mange. Elle casse, et je répare 🙂 Non plus sérieusement, on s’accorde et on s’équilibre parfaitement, vraiment. Tout se fait naturellement, on ne se prend pas la tête avec ça. On est toujours solidaires dans les tâches, et si l’un est fatigué ou n’a pas envie de faire quelque chose, l’autre prend le relai. Comme nous avons tous les deux des boulots prenants on peut pas se permettre de ne rien faire pendant que l’autre s’occupe de la maison ou des enfants, simplement par respect.
Vous connaissez des tensions côté éducation ?
Oh oui, régulièrement ! C’est d’ailleurs LE SEUL sujet de tensions de notre couple. D’un côté il y a une éducation classique et traditionnelle avec ses règles plus ou moins strictes et de l’autre une éducation bienveillante (trop même) plus laxiste, ce qui créé des incompréhensions de part et d’autre et des tensions entre nous. Vu qu’on se parle beaucoup, heureusement ça limite les non-dits et les prises de tête inutiles… mais ça reste parfois sport pour s’accorder !
Est-ce que parfois tu te dis « je pourrais tellement mieux faire » ? Y a-t-il des moments où tu te sens largué, où tu as l’impression de ne pas assurer ?
Vous parlez des moments entre 23h et 5h du mat où ma surdité avancée m’empêche d’entendre les réveils de notre fille…? Oui bien-sûr qu’à des moments je me sens largué : après une journée de boulot stressante, on rentre à fleur de peau mais les petits veulent jouer avec nous ou eux aussi ont eu une journée compliquée à l’école, et pour un détail ça part au clash… mais après réflexion c’est à nous de faire l’effort et de ne pas ramener notre stress à la maison. Je pourrais passer moins de temps sur mon téléphone aussi, il y a plein de choses que je pourrais mieux faire, mais ça ne serait plus moi, juste un stéréotype de ce qu’on voit sur les réseaux sociaux, en mode « perfect parents ».
Quels sont tes meilleurs souvenirs en tant que papa ?
Il y en a énormément… Le premier c’était de se dire « allez, on fait un enfant ! » et puis l’émotion quand le test est positif. Puis le peau à peau… c’est juste énorme ce petit être contre toi ! Les premiers rires et les premiers fou-rires aussi, et puis tout ce qui se passe quand ton enfant grandit, c’est juste merveilleux.
Si je prends juste l’exemple d’hier… Mon grand a eu un télescope, on était comme deux fous à essayer de trouver la Lune, et quand on l’a enfin trouvée c’était juste magique, un super moment de complicité, juste génialissime… En fait c’est tous ces souvenirs qui font que ta relation avec tes enfants est la meilleure.
Pourquoi c’est elle la mère de tes enfants ?
C’est vraiment une question d’une des lectrices ou bien ça vient de la Fée ça ?!
Parce qu’avec elle la vie est plus simple, plus belle, parce qu’elle sait toujours comment m’encourager quand j’entreprends quelque chose et pas me freiner ou me faire douter… parce que quand je la vois même après 9 ans je la trouve belle, intelligente, séduisante, désirable, et que quand elle m’énerve après la tempête je l’aime encore plus. Parce qu’elle me fait rire, qu’on est une équipe qui déchire tout, parce qu’elle est maladroite… Avoir des enfants ensemble n’était pas un choix, c’était une évidence.
Si l’un de tes enfants t’annonce qu’il est homosexuel, tu lui diras quoi ?
Je lui dirai de faire attention car le monde extérieur est cruel avec ce qui le dépasse, mais que s’il doute, s’il a peur je serais là pour le soutenir… Je lui ferai comprendre que si c’est son choix et qu’il est heureux alors papa sera toujours là et sera toujours fier de lui.
Un petit troisième ?
Non, pour de nombreuses raisons… Déjà comme la Fée vous l’a sûrement expliqué, une nouvelle grossesse est impossible pour elle, elle courrait un vrai risque vital. Et de toute façon, on est plus tout jeunes, nos vies sont déjà bien remplies à 4 mais on arrive à avoir un petit peu de temps pour nous deux et à avoir un peu de temps pour soi, on a trouvé notre équilibre. Et puis si on me compte, y a déjà trois enfants à la maison…! Donc en résumé on envisage plutôt une ligature et une vasectomie plutôt qu’un troisième loustic 🙂
Tu voudrais que tes enfants te disent quoi, une fois grands ?
« Papa, viens on va surfer ? », « Papa je viens d’avoir un nouveau jeux vidéo… une petite partie ? » Et plein de « Merci papa », des « Papa, j’ai besoin de toi », « Papa, tu me manques »… et surtout « Papa, je t’aime ».
C’est quoi le plus dur finalement quand on est père ?
Si je devais en dire qu’un je pense que ça serait de trouver sa place. Pendant 9 mois tu es spectateur, c’est sûr qu’on vit la grossesse mais pas autant que la maman, il y a des choses que l’on ne connaitra jamais en tant que papa. Ce sentiment d’impuissance lors de l’accouchement où à part tenir la main et réconforter, ben honnêtement tu sers à rien…
Trouver sa place ensuite au sein du foyer, car la femme que tu as connu a laissé place à une mère. Tu viens juste de découvrir ce petit être, qui en quelque seconde a gagné plus d’amour que toi en plusieurs années de restos, surprises, bijoux… Ahahaha ! Presque un peu de jalousie aussi, de devoir partager ta femme, sa maman… au fil du temps et des discussions ce sentiment disparait, ou plutôt s’estompe. Ouais, je dirais que le plus dur, c’est de trouver sa place.
5 Comments
Oh mais qu’il est joli cet article ! Tu as un homme honnête 🙂 ça vaut de l’or ! Nous on est tous les deux pas géniaux en cuisine, je te laisse imaginer le résultat…
Ah ahah merci c’est gentil 🙂 Et pour vous, et bien il ne vous reste plus qu’à devenir riche et à embaucher une super cuisinière !! 😂
Bonsoir, bonsoir. J’ai adorée cet article criant de vérité et surtout de sincérité!!!. C’est beau l’amour d’un père pour ses enfants ainsi que pour sa femme, vous vous êtes vraiment bien trouvés, et vous vous compléter. Une vie de famille comblée, comme je vous envie. J’ai deux enfants que j’aime plus que tout au monde, mais je suis bientôt divorcer de leur papa, je suis parti il y’a 1 an et demi. Mais j’ai reussi à trouver un superbe équilibre avec mes enfants et nous sommes super fusionnelle, un peu comme vous 4, mais nous à 3, maman, ma fille Tiya 7 ans dans 3 semaines et mon fils Logan 3 ans. J’aurai tellement aimée que mon ex ne pense rien que le quart de ce que pense et fait votre mari, mais ce n’est pas le cas, absent à mes deux accouchements, absent lors de ma fausse couche et du curetage à l’hôpital, absent les nuits de bébé, absent de tout ces petits moments qui font le quotidien et la vie avec nos merveilles. Une vie à 3 s’est construite depuis et c’est juste géniale, je profite à fond de ces deux petits êtres qui m’ont fait devenir celle que je suis maintenant, leur maman. Merci à vous.
Votre histoire me touche. Mais je pense que vous avez eu raison. Mieux vaut être seule que… bref. Et effectivement c’est aussi dans ce genre de situations que la relation avec ses enfants peut s’intensifier. Alors belle suite à vous trois !! Du courage, et beaucoup d’amour…
Bonjour, personnellement, je serais bien incapable de répondre à un tel interview ; de raconter comme ça mes motivations, angoisses et difficultés à être papa. Avec du recul ma femme et moi, nous pouvons dire qu’il nous en a fallu du courage pour soutenir nos garçons qui ne rentraient pas tout à fait dans le moule préétabli de l’éducation nationale.
Notre plus grande fierté est que nos enfants avancent tout de même dans leurs études alors que l’aîné au caractère bien affirmé s’était fait renvoyer de 3 collèges. Ce que je veux dire, c’est qu’avec beaucoup du soutien et de la persévérance, sans qu’ils soient forcément formatés comme le souhaite l’éducation nationale, nous avons tout de même réussi à soutenir nos enfants.